Projets de décrets relatifs à l’application des articles pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Les deux projets de décrets relatifs à l’application des articles 104 et 105 de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel formalisent :
Les décrets sont censés s’appliquer un jour franc après leur publication au journal officiel et, pour les entreprises de plus de 1000 salariés, cette application effective se fera en tout état de cause au 1er janvier 2019, pour que la publication des premiers résultats puisse effectivement être faite avant le 1er mars 2019.
Certes, les entreprises entre 250 et 1 000 salariés bénéficieront d’un délai de publication supplémentaire jusqu’au 1er septembre 2019 et les entreprises entre 50 et 250 salariés jusqu’au 1er mars 2020.
Néanmoins, compte tenu de la complexité du dispositif, il paraît peu concevable que de telles mesures entrent en application aussi rapidement.
En effet, elles demandent, notamment, que les logiciels de paie soient adaptés en conséquence ou que des logiciels spécifiques soient installés dans les entreprises le plus rapidement possible, logiciels qui devront intégrer des modalités particulièrement complexes de calcul et d’évaluation des indicateurs mis en place.
Sur le fond, la CPME rappelle que le non-respect de ces nouvelles obligations pourra se traduire au bout d’un délai de 3 ans, in fine, par une pénalité, y compris pour des PME de plus de 50 salariés, correspondant au maximum à 1% des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
En tout état de cause, en ce qui concerne le projet de décret plus spécifiquement destiné à fixer les modalités de contrôle des agents de l’inspection du travail, il suffira que ces derniers constatent simplement l’absence :
- soit d’accord relatif à l’égalité professionnelle,
- soit de publication une année des indicateurs « égalité »,
- soit de mise en place de mesures de corrections destinées à rétablir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
- Ils pourront alors mettre en demeure l’employeur de réaliser l’une des trois dispositions manquantes dans un délai de 6 mois au terme duquel le Direccte pourra décider ou non d’appliquer la pénalité prévue, non sans avoir éventuellement donné des délais supplémentaires à l’employeur et l’avoir entendu.
Néanmoins, même si le délai imparti aux entreprises pour se mettre en conformité est de 3 ans, il n’en demeure pas moins qu’une entreprise dépassant juste le seuil de 50 salariés n’a pas forcément la capacité ni les moyens financiers de mettre rapidement en œuvre des mesures de corrections.
Par ailleurs, le projet de décret qui prévoit la méthodologie de calcul et d’évaluation des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes est trop complexe à mettre en application pour une entreprise dépassant légèrement le seuil de 50 salariés, sans l’aide d’une entreprise tierce spécialisée en la matière.
Ainsi, pour une entreprise de 50 salariés à 250 salariés, les indicateurs sont au nombre de 4 :
- l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;
- l’écart de taux d’augmentation individuelle de salaire entre les femmes et les hommes ;
- le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période de prise de leur congé ;
- le nombre de salariés du sexe sous représenté parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.
Ces 4 indicateurs sont rigoureusement identiques à 4 des 5 indicateurs retenus pour les entreprises de plus de 250 salariés. Comment peut-on penser que le quatrième indicateur soit opérant dans une entreprise de 60 ou 70 salariés ?
Quant aux méthodes de calcul des indicateurs pour les entreprises de 50 à 250 salariés, elles sont presque aussi complexes que pour les entreprises de plus de 250 salariés.
En effet, ces indicateurs sont calculés et évalués selon un barème allant au total de 0 à 100 points : 40 points peuvent être attribués au maximum au premier indicateur, 35 au deuxième, 15 au troisième et enfin 10 points au dernier.
Pour que l’entreprise n’ait pas de mesure corrective à mettre en œuvre, il sera nécessaire d’atteindre au moins 75 points pour la totalité des 4 indicateurs.
Plus précisément, pour l’indicateur relatif à l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, les salariés sont répartis en 4 tranches d’âge et 4 catégories socioprofessionnelles ; la rémunération moyenne est ensuite calculée pour chaque groupe ainsi constitué et l’écart de rémunération est enfin calculé en pourcentage, pour chacun des groupes, en soustrayant la rémunération moyenne des femmes à la rémunération moyenne des hommes et en rapportant ce résultat à la rémunération moyenne des hommes ; on arrive in fine à un écart de rémunération en pourcentage et en fonction du pourcentage obtenu, un nombre de points vous est attribué (cf 1er tableau de l’annexe II du projet de décret).
Pas moins de 22 écarts de pourcentage sont répertoriés correspondant chacun à l’attribution d’un nombre de points.
Considérer que cette méthode est particulièrement difficile à appréhender n’est pas à démontrer. Cela risque de créer un frein supplémentaire pour le franchissement du seuil de 50 salariés pour un grand nombre d’entreprises.
Ainsi, compte tenu de l’ensemble des remarques faites ci-dessus, la CPME émet un avis défavorable sur les deux projets de décrets tels que soumis pour avis par le Conseil supérieur de l’Egalité professionnelle.